TOS, Angelus ( fic par Lulu )

J'ai décidé de faire un nouveau topic pour mettre ma fic avec les premiers chapitres refaits. Sinon, en ce qui concerne le reste, rien n'a changé mis à part quelques détails ( mais qui ont leur importance ! ), certaines scènes et autres.
Et je remet la présentation que j'avais faite pour la première version:

Elle se passe un an après la réunification des mondes et se déroule selon deux visons différentes : celle de Lloyd et celle de l’ancien groupe de l’élue.
Il faut noter qu’elle ne suit pas vraiment la fin puisque, après en avoir discuter avec l’ami qui la fait avec moi, nous avons décidé de garder Zélos en vie tout en laissant Kratos avoir accompagné les autres.
Notre histoire tourne autour de Lloyd, qui en est l’acteur principal. D’abord seul, il sera ensuite rejoint par un personnage et enfin par deux autres qui complèteront son équipe. L’ancien groupe de l’élue a subit quelques changements puisqu’il est constitué de Colette, Génis, Raine, Sheena, Régal, Kratos et de Yuan, sans oublier Zélos et Préséa qui les rejoindront en cours de route.
Les différents chapitres marquent le changement de groupe. Parfois, ils se rencontreront mais leurs routes restent différentes.
Les compagnons suivent le chemin, disons, « lumineux » alors que l’histoire de Lloyd et de ses amis d’infortune se trouve d’un côté plus sombre.

Pour ce qui est du contexte :

Colette a souvent été auprès de l’Eglise de Martel (donc presque jamais à Isélia).
Génis et Raine ont voyagé pour faire disparaître la discrimination des Demi Elfes.
Sheena a appris sont rôle d’Héritière à Mizuho.
Régal a repris sa place à Altamira.
Kratos est resté sur Derris-Kharlan et c’est Yuan qui l’en a fait revenir.
Yuan est évidemment resté chef des Renégats qui désormais s’occupent indirectement du nouveau monde.
Zélos, bien que plus mature, est resté… Zélos. Entre Meltokio et Altamira, il pense un peu à Sheena…
Préséa, enfin elle-même, aide à reconstruire Ozette… Et Génis pense beaucoup à elle…

Lloyd, dont l’année écoulée a disparu de la mémoire, se retrouvé piégé dans un maelström de dangers et de mystères, parfois liés à sa propre existence. Il a très fort changé au niveau de l’apparence et du caractère suite à ce qu’il s’est passé (vous le saurez si vous lisez).

Nous avons très fort gardé l’esprit « Tales of Symphonia » dans le groupe de l’élue pour ne pas nous éloigner du jeu car l’équipe de Lloyd a tendance a quitter les sentiers battus.
Nous avons aussi mêlé l’aventure et les relations qui sont un des piliers de « Tales of Symphonia ».

J’espère que vous allez aimer ce mélange de lumière et désespoir mais je peux comprendre qu’elle ne plaise pas à tous, en effet, nous savons que Lloyd n’est pas le personnage favori du plus grand nombre (et aussi Kratos qui tiendra un rôle capital) et que certains préfèreront un voyage plus joyeux, conservateur de l’ancienne équipe. A vous de juger.

Première partie: La vie

Le prologue reste le même.

Prologue

Il y a deux mille ans…

Il y avait des cris. De souffrance et de désespoir. Beaucoup de cris… Il faisait très sombre dans le sous-sol. Accroupie contre un mur glacé, la petite fille tremblait et claquait des dents. Elle se mourrait. Des larmes inondaient ses joues, aussi nombreuses que les coups de fouet retentissant à l’étage. Elle se mit à sangloter. Elle voulait vivre, mais tout espoir s’était évaporé de son cœur d’enfant. La tête sur ses genoux, les bras noués autour de ses jambes, elle attendait qu’ils la retrouvent. Elle ne pouvait que prier pour que l’agonie ne dure pas trop longtemps.
La petite fille entendit des bruits de pas, presque inaudibles. Elle releva sa tête et, dans l’obscurité du sous-sol, une silhouette se dessina. C’était un homme. Il se dirigea vers elle qui n’osait lever les yeux vers lui. Il enleva délicatement les cheveux qui étaient devant son visage et essuya ses larmes du bout des doigts. Passant sa main, chaude et réconfortante sur ses joues. La gentillesse qu’exprimait son visage la réconforta. Il dépose un baiser sur son front et lui prit la main. Il dit en souriant : « Viens, tu ne dois pas rester ici ». Il la fit se lever, tremblante, et se dirigea vers la sortie du sous-sol. Lorsqu’ils quittèrent les lieux, on entendit des bruits de pas précipités.

Voici le début du chapitre 1, complètement revu.

1 Retrouvailles

En cette chaude matinée d’été en Sylvarant, Génis, Raine, Colette et Régal s’étaient retrouvés dans le village de Triet, encore frais d’une nuit qui venait juste de lever son voile. Ils étaient attablés sur la terrasse toute nouvelle de l’auberge, à l’ombre d’un grand parasol. Dés le début de l’après-midi, ils partiraient vers la base des Renégats car tous avaient été convoqués par le chef des Renégats en personne, l’Ange Yuan. Un an s’était écoulé depuis la réunification des mondes et leur vie à chacun avait changé à jamais.
Colette, Raine et Régal discutaient tranquillement de leurs nouvelles habitudes alors que Génis sirotait son jus de fruit avec morosité, abattu après avoir tenté pour la quatrième fois d’entrer dans la conversation, en vain, mais pas sans espoir.
- L’église de Meltokio a encore été refaite, vous devriez voir ça ! S’exclama l’élue.
- Nous l’avons vue en revenant d’Exire, dit calmement Raine, c’est vrai que c’est assez impressionnant.
- Surtout avec les deux statues géantes des élus, ricana le jeune Demi Elfe, s’immisçant encore une fois parmi ses compagnons.
- Mh, à Exire ? Comment cela s’est-il passé ? Demanda Régal au professeur.
- Seuls cinq habitants ont accepté de revenir sur le continent…
- C’est déjà bien.
- Oui, mais il me reste beaucoup de travail, soupira-t-elle.
- Me ? Me ?! T’oublierais pas quelqu’un parfois ?!
- Au moins, les restrictions des Demi Elfes ont été levées par le roi de Tesséha’lla après ta conférence à Sybak, ce qui est déjà un grand pas en avant, ajouta l’ancien détenu.
- Hé !!! S’emporta Génis.
- Je pense que j’ai déjà fait le plus difficile…
Le jeune garçon était tellement énervé que sa boisson bouillait dans son verre. Brusquement, le jus de fruit brûlant lui jaillit au visage. Il tomba et roula sur le sol avant de se relever en hurlant.
- Ah ! Mes yeux ! J’y vois plus rien !
Courant en agitant les bras et en criant, il ne vit pas la maison. Il fonça droit devant. Après un grand fracas, on put voir sur la façade un trou en forme de jeune magicien incompris.
- Génis, attends ! L’appelait Colette qui le poursuivait.
Mais sur le chemin de la jeune fille, il y avait… un caillou.

Ce jeune et petit caillou était originaire d’Hima. Là-bas, des pierres avaient été extraites pour être envoyées sur le chantier de Palmacosta. Dans le chariot, il était assis entre sa grande sœur brique et son grand frère bloc. Tous trois avaient fait de touchants adieux à leur maman falaise et à leur papa montagne.
Quand ils furent arrivés à destination, le petit caillou fut séparé de ses aînés. A cause de sa petite taille, il fut déposé dans une allée avec d’autres pierres de son âge.
Un jour, il se coinça malencontreusement sous la botte d’un marin. Alors, il fut obligé de suivre son nouveau compagnon jusqu’à un petit village appelé Izold. Là, le paillasson d’une auberge eut raison de sa ténacité.
Plus tard, quelqu’un battit la carpette et c’est ainsi que le petit caillou tomba dans la chaussure d’un marchant ambulant qui l’emmena au plein cœur du désert, dans la ville de Triet. Après un mois de douleur, l’homme vida sa chaussure pleine de sable et le petit caillou échoua dans un univers inconnu.
Autrefois, il vivait tranquillement entre ses parents. Ensuite, il avait été violemment arraché a toute sa famille, puis perdu. Mais le petit caillou n’en avait pas fini de souffrir.

Colette trébucha sur le malheureux petit caillou. La solidité des murs de Triet ayant déjà été testée, l’élue passa au travers. Dans les débris et la poussière, les deux jeunes gens se relevèrent péniblement.
- Génis, je suis désolée, dit la jeune fille.
- Bah, c’est rien, grommela le plus petit.
Raine et Régal vinrent les rejoindre. Sur le chemin, le professeur ramassa le petit caillou… et le jeta négligemment derrière elle. A une table voisine, un vieux mercenaire ne vit pas ce qui venait de tomber dans son verre.

Voilà le reste du chapitre 1.
Je suis au chapitre 3 mais j'ai pas envie de poster XP
Je n'ai pas réussi à l'allonger beaucoup plus puisqu'il n'y avait pas grand chose ( rien ) à dire de vraiment intéressant dans ce chapitre >_<

Le lendemain matin, les compagnons arrivèrent de bonne heure à la base de Triet. Un Renégat les conduisit dans une sorte de salle de réunion au milieu de laquelle trônait une grande table ovale entourée de hauts sièges. C’est là, adossé à un mur métallique, que les attendait leur première surprise.
- Kratos ! S’exclamèrent les quatre amis.
L’Ange tourna vers eu un regard froid et vide, ils en auraient presque frissonné. Le mercenaire semblait encore plus distant qu’au début de leur périple, il y avait une année de cela. Il portait ses habits du Cruxis et apparaissait en assez bonne santé, quoique le terme fût un peu déplacé pour un Ange. Malgré cela, les plus attentifs purent remarquer quelques détails attestant de son mauvais état : sa peau de porcelaine encore plus pâle, le vide dans ses yeux écarlates, l’iris délavée, son visage aminci, ses lèvres blanchies, … Quelque chose n’allait pas mais son aura de puissance en était décuplée, heurtant les compagnons comme une tempête hivernale.
- Qu’est-ce que tu… ?
Génis fut arrêté par Yuan qui venait d’entrer dans la pièce. D’un geste ample, il désigna les sièges, prenant lui-même place en bout de table. Kratos resta de marbre. Après un silence lourd de questions, l’Ange aux cheveux bleus prit enfin la parole.
- Je vois que certains d’entre vous ne répondent toujours pas à l’appel…
Il avait parlé calmement, mais les compagnons mirent un moment avant de répondre.
- Préséa travaille actuellement à la reconstruction d’Ozette, dit Régal sur le même ton.
- Zélos est en vacances à Altamira et Sheena doit sûrement être occupée avec le peuple de Mizuho, enchaîna Raine.
- Et Lloyd ?
La voix de Kratos résonna et sa question flotta dans les airs, comme un reproche.
- N’essayait-il pas de récupérer toutes les exsphères ? Interrogea l’élue, soudain inquiète.
- En effet, commença Yuan, il devait prendre contact avec nous il y a… environ un an.
- Et… ? Fit le petit mage.
- Et… c’est tout.
- Quoi ?! S’exclamèrent les deux plus jeunes.
Raine et Régal écarquillèrent les yeux, seuls ceux de l’Ange appuyé contre le mur restaient inexpressifs, absents.
- Vous voulez dire… qu’il n’est jamais revenu ?! Cria presque la Demi Elfe.
Yuan les fixa sans répondre.

Raine, Colette, Génis et Régal avaient laissé les deux vieux amis discuter et s’étaient réunis dans une pièce voisine. On pouvait lire la tristesse dans les yeux de l’élue et du jeune Demi Elfe, ceux des adultes étaient habitués d’une inquiétude fébrile. La jeune fille frissonna
- J’espère qu’il va bien, pria-t-elle
Bien que les autres eussent formulé le même vœu, connaissant depuis toujours ses sentiments pour Lloyd, ils préférèrent la réconforter
- Je suis certaine qu’il ne lui est rien arrivé de grave, la rassura Raine en passant un bras autour de ses épaules
- Ne t’inquiète pas, dit doucement le grand homme aux cheveux bleu ciel.
- Et puis, tu sais très bien que notre bon vieux Lloyd a le don de s’attirer des ennuis mais qu’il s’en sort toujours ! C’est ça qui importe ! Lança joyeusement le petit mage prodige. Maintenant, on va appeler Sheena et ses potes de Mizuho pour le retrouver et il nous devra de sacrées explications !
La tirade de Génis réussit à voler un sourire à la jeune fille.

Quelques heures plus tard, ils étaient à Isélia où ils avaient rendez-vous avec l’invocatrice et des habitants de Mizuho. Leur amie les accueillit avec un enthousiasme non dissimulé.
- Bonjour tout le monde ! Alors, prêts à partir à la recherche de notre Lloyd international ?
Ils ne purent s’empêcher de sourire. Tous s’entreregardèrent avec la même expression, le cœur plus léger. Ils étaient presque réunis. Sheena se précipita vers l’élue et la Demi Elfe pour les enlacer, même le plus jeune y eut droit, virant au rouge sous un tel élan d’affection. Quant à Régal, quand vint son tour, ils se serrèrent la main, la jeune femme retenant difficilement son rire après avoir esquissé un solennel « M. Régal ».
Les agents de Mizuho disparurent suite à un ordre de leur chef et les vieux amis se réunirent dans la maison de Colette.
- Est-il parti vers Triet ? Demanda l’invocatrice.
- Non, vers Hima, en contournant Isélia, répondit Raine.
- Alors nous suivront le même chemin, affirma son frère avec détermination.
Un soupir de tristesse échappa à l’élue.
- Il ne sait pas…
Les autres baissèrent les yeux.
- Oui, j’en ai entendu parler en arrivant… Dit Sheena dans un murmure.
Phaïdra entra dans la pièce et brisa leur méditation, tous reportèrent leur attention sur la vieille femme.
- Il y a deux hommes qui vous cherchent, ils sont à l’entrée du village.
Colette remercia sa grand-mère et ils partirent à leur rencontre.
A l’entrée d’Isélia, Yuan et Kratos les attendaient. Le chef des Renégats s’adressa à Sheena sans même les saluer.
- J’ai aussi envoyé des hommes à la recherche du garçon, une coopération rendrait l’entreprise plus rapide et fructueuse.
- Très bien, je ferai passer le message, confirma-t-elle avec sérieux.
Cela ne faisait qu’une année qu’elle tenait les rennes de Mizuho mais ses talents de meneuse étaient indéniables. Elle était rapidement devenue une jeune femme forte et respectée parmi les siens et au-delà malgré son peu d’expérience. Mais elle restait aussi l’amie joyeuse et complice qu’ils avaient connue lors de leurs voyages, toujours présente pour aider ou pour apporter de l’espoir et du réconfort. Ils se rendaient enfin compte à quel point leur Sheena leur avait manqué.
En vitesse, ils expliquèrent leur plan aux deux Anges qui acquiescèrent. Rompus aux départs précipités, il leur fallu moins d’une heure pour rassembler argent, armes et vivres, et pour être sur le départ devant le village. Ils firent encore une fois l’inventaire de leurs possessions puis se tournèrent vers l’horizon. Ce fut Génis, suivit de Colette, qui fit le premier pas.
- Lloyd, mon vieux pote, peu importe dans quel bazar tu t’es encore fourré et peu importe où tu te caches, on va te retrouver ! Et te passer le savon de ta vie !
Le jeune mage éclata de rire, il se serrait même mis à courir si son sac n’avait pas été aussi lourd.

je m'ennuie alors je met le chapitre 2 ^^'
Quasi rien n'a changé, mettre les nouveaux passages en couleur pour ceux qui auraient déjà lu.
Sinon, il y a aussi des ptits trucs par-ci par-là mais bon...



Plus que deux portes. Les lumières et l’alarme stridente l’affolaient encore plus. La sortie. Il en était tout proche. Il entendait des gardes lancés à ses trousses mais il avait bien choisi son instant pour fuir. Oui, Lloyd courait, il filait à toute allure vers la liberté. Bientôt, il quitterait cet univers de métal et de froid, il pourrait enfin sentir le vent sur son visage. Encore une porte et il serait au hangar des véhicules à magitechnologie. Soudain, un garde armé d’un sceptre lui bloqua le passage. Faute d’avoir le temps de lancer un sortilège, le garde frappa mais Lloyd fut plus rapide. Son exsphère lui donnant toute sa puissance, il attrapa le sceptre, joua de force quelques secondes puis changea brutalement de place avec son adversaire qui se prit les fléchettes tranquillisantes destinées au fugitif. Il se rua sur la dernière porte, passa la carte d’accès devant le laser. Fermé. Il recommença deux fois, trois fois: rien à faire. Les gardes arrivaient. Alors, il jura et se précipita dans un couloir qui lui était totalement inconnu.

Les bruits et les images se firent de plus en plus nets dans sa tête. Enfin, elle ouvrit les yeux, couverte de poussière. Elle jeta un regard circulaire dans la salle et son cerveau analysa rapidement la situation, remonta jusqu’à la cause de son réveil. Doucement, elle reprit conscience de son corps, inchangé depuis si longtemps, et fit bouger ses jambes, ses bras, sa tête,… Pas de casse, très bien. Une fois que tout se fut remis en ordre dans son esprit, elle bondit en avant, vers son nouvel objectif.

Les couloirs aux murs métalliques se succédaient les uns aux autres à l’infini, semblait-il à Lloyd, mais il se refusait à désespérer. Il ne pouvait pas échouer, pas si près du but. S’ils le rattrapaient et l’enfermaient à nouveau, la sécurité serait encore renforcée et ses chances de fuite réduites à néant. La seule chose qu’il avait à faire, c’était courir. Au détour d’un virage serré, il la vit pour la première fois. Une fille se tenait au milieu du couloir, pensive. Puis, ses yeux s’illuminèrent. « Lloyd ! » S’écria-t-elle avec un soupçon de joie. Elle tendit dans sa direction un bras auquel elle portait une arme étrange faite de deux petites tiges noires courbées, rattachées latéralement à son poignet. Cette arme peu commune se déploya pour former un arc. Sans que la jeune fille ne bouge, plusieurs traits furent décochés que Lloyd sentit passer à quelques centimètres de lui. Dans son dos, des gardes gémirent. L’inconnue lui fit signe de la suivre. Etant donné qu’elle venait d’éliminer de ses adversaires, il la suivit.
- Qui es-tu ? Lui cria-t-il alors qu’ils couraient dans un couloir plus sombre.
- Pas le temps, je t’expliquerai plus tard, dit-elle, par ici !
Sur ce, elle tourna à droite. C’était un cul de sac. Lloyd s’arrêta et il s’apprêtait à riposter quand elle ouvrit une trappe sur le sol qu’il n’avait même pas remarquée. Il s’approcha et vit des eaux grouillantes et sombres quelques mètres plus bas.
- Vite, saute ! Martela-t-elle.
- Tu passes devant !
La jeune fille leva les yeux au ciel.
- N’oublie pas de fermer après.
Et elle se laissa tomber, les pieds d’abord. Quand il l’entendit percuter la surface, il sauta à sa suite et ferma la trappe.
La chute fut plus longue qu’il ne l’avait prévue. Il dut batailler pour réussir à sortir la tête des eaux glacées. C’était le noir absolu, il ne pouvait que se laisser entraîner par la furie de cette rivière souterraine. Le passage se rétrécit, il sentit plusieurs fois la roche effleurer son crâne. Puis ce fut l’horreur. Sans avoir eut le temps de prendre sa respiration, il fut totalement immergé, ballotté dans ce boyau obscur et froid, ses poumons réclamant de l’air. Son dos heurta violemment une pierre et ses genoux s’éraflèrent sur le sol. Alors, il se prit un énorme rocher de plein fouet. Sur le coup, ses poumons se vidèrent du peu d’air qu’ils contenaient encore, il voulu hurler, mais l’eau s’engouffra dans sa bouche. Et soudain, avec une force incroyable, la rivière le recracha. Il ne souffrit pas quand son corps déchira la surface miroitante des eaux : il était déjà inconscient.

Lloyd se réveilla lentement. Un mince rayon de soleil se faufilant par l’unique et petite fenêtre dispensait une pâle lueur dans la pièce. Des murs en pierre, des lits de bois solides, une impression de déjà vu… Il voulu se redresser mais son corps ne répondait pas, il ne pouvait que cligner des paupières car même sa tête refusait de bouger et restait couchée sur le côté gauche. Une mèche de cheveux carmin foncé glissa sur son visage. Il tiqua : dans ses souvenirs, sa chevelure n’avait pas cette couleur. Quoique, depuis quand ne s’était-il plus regardé dans une glace ?
Il soupira, ferma les yeux quelques secondes puis se ravisa quand une porte s’ouvrit hors de son champ de vision. La personne se plaça devant lui. Cette fille… Il se souvint d’elle, de la fuite et, avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit, elle se pencha vers lui avec un grand sourire.
- Coucou ! Bien dormi ?
- Qu’est-ce que… ?
Il tenta encore une fois de faire un quelconque mouvement mais n’y parvint toujours pas.
- Je vais t’aider.
Elle le redressa et appuya son dos contre deux oreillers. La lumière tamisée, la chambre sobrement meublée, cet endroit parlait à son esprit, lui était étrangement familier. Il demanda à la jeune fille :
- Qui es-tu ?
- Tu peux m’appeler Erika répondit-elle avec un clin d’œil amical.
Erika était moins grande que lui, de quelques centimètres. Elle avait des cheveux bleu sombre mi-longs, très courts derrière alors que ses mèches avant touchaient ses épaules. Son petit visage était rayonnant et plein de malice, avec de grands yeux comme des saphirs, brillants et profonds.
- Pourquoi m’as-tu aidé ? Comment sais-tu qui je suis ? Et…
- Je connais Kratos.
- Quoi ?! Dit-il, interloqué.
- Tu ressembles beaucoup à ton père, tu sais ? Continua-t-elle, souriante, sans prêter la moindre attention à son étonnement.
Lloyd commençait à reprendre possession de son corps et voulu encore la questionner mais une douleur fulgurante lui déchira le dos. Il gémit et elle dû remarquer son changement d’attitude.
- Oh… L’effet du remède a l’air de se dissiper.
Elle se leva, se dirigea vers la porte qu’elle ouvrit en grand et cria.
- Monsieur Altessa !
Alors c’était chez le nain qu’elle l’avait emmené… Il aurait voulu anticiper pour l’en empêcher, il avait envie d’être seul, d’être tranquille. Il se doutait que, si le nain le voyait ainsi, il ne manquerait pas de lui tout un tas de questions. Il songea stupidement à s’échapper par la fenêtre mais cette dernière était bien trop petite et son état avait l’air grave. Il oublia rapidement et se résigna à rencontrer Altessa. Enfin, leur hôte entra, un flacon contenant un liquide translucide à la main – sûrement le remède. Le nain n’avait pas changé depuis la dernière fois. Il s’approcha et posa le flacon sur une table de chevet.
- Vous avez l’air d’aller mieux. Hier, quand cette jeune fille vous a amené ici, j’avoue avoir cru que vous ne passeriez pas la nuit. Vous êtes plus solide que vous en avez l’air, dit calmement Altessa.
- Vous ? Mais, Altessa, c’est moi ! S’exclama Lloyd.
- Nous nous connaissons ?
- Non, bien sûr que non ! Intervint précipitamment Erika. Excusez mon frère, je crois que sa chute lui a une peu embrouillé l’esprit !
- Quoi ? Mais je ne suis pas !...
La jeune fille lui pinça discrètement mais violemment le bras puis secoua sa courte chevelure bleue sombre et sourit au Nain. Son frère ? Pensa Lloyd. Pourquoi ne voulait-elle pas qu’il dise qui il était ? Pendant qu’ils changeaient ses pansements et nettoyaient ses plaies, il repensa à toute cette histoire. Il ne se souvenait pas de ce qui lui était arrivé entre son départ d’Isélia et son réveil dans cette institution dont il avait déjà remarqué l’étrange ressemblance avec les Renégats.
Là-bas, il avait été enfermé comme un animal, dans une prison de verre. Découpé en morceaux, ensuite reconstruit, les entrailles béantes. Ils l’analysaient, recommençaient, des heures durant. Lui, attaché, les viscères à la lumière froide de leur folie. Il avait si souvent prié pour sa fin, pour que tout cela cesse. Alors, il revit leurs visages : sérieux, hautains. Il se souvint d’eux, de cette petite femme à lunettes qui disait qu’il leur était utile, de ce colosse aux yeux noirs qui l’appelait le demi-sang dégénéré, un troisième, plus timide, soumis, et enfin, cet homme aux cheveux couleur de neige.
Lloyd fut parcouru d’un frisson. Altessa avait quitté la pièce et il avait presque oublié la présence d’Erika, qui le regardait, à plat ventre sur un autre lit, si silencieuse. Il croisa un instant ses yeux, en dessous de sa frange, d’un bleu aussi sombre que ses cheveux courts.
- Ca n’a pas l’air d’aller, dit-elle, en s’asseyant en tailleur, son joyeux petit visage transformé, triste.
- Hé, je ne comprend rien à ce qui se passe…
- Désolée, mais je crois que, tant qu’on ne te reconnaît pas, il vaut mieux ne pas révéler ton identité aux gens que l’on rencontre : ça pourrait les mettre en danger.
- En danger ? Demanda Lloyd.
- C’est que… Tu ne penses pas que les personnes qui t’emprisonnaient vont tenter de te retrouver ?
Elle vit que Lloyd avait baissé la tête, honteux de ne pas y avoir pensé, ou triste de n’avoir personne sur qui compter, à qui se confier pour alléger sa peine.
- Ces gens, cette organisation, commença-t-il, tu crois qu’ils faisaient partie des Renégats ?
- Etant donné que depuis la chute de Mythos ils sont les seuls à utiliser une telle technologie, il y a trop de ressemblances pour ne pas faire le lien entre les deux.
- Euh… Tu connais… Tout ça ? Dit Lloyd, subjugué, il venait de prendre conscience qu’il parlait de choses qu’elle était censée ignorer.
- Je te l’ai déjà dit, je connais ton père.
- Tu faisais partie du Cruxis ?
- Oui, répondit-elle en prenant tout à coup un air plus mélancolique, il y a dix-huit ans, tes parents m’ont sortie de là.
Ses parents… Lloyd fut submergé de vagues de souvenirs trop flous pour être clairement identifiés. Il n’arrivait pas à distinguer le visage de sa mère, il ne la connaissait que du médaillon que Kratos, son vrai père, lui avait légué après lui avoir raconté ce qu’il s’était passé alors qu’il n’avait que trois ans, quand elle avait perdu la vie. D’ailleurs, ces gens le lui avaient sûrement volé, la seule trace de son passé, ainsi que ses deux épées…
Il regarda sa main gauche, son exsphère y était toujours. Il était étrange que ses goeliers n’aient même pas pris la peine de la retirer. Il s’était souvent demandé pourquoi alors qu’il tournait en rond dans sa cellule.
En examinant ses phalanges, il remarqua la ligne blanche où devait normalement se trouver l’Anneau du Pacte. Ses yeux s’agrandirent, il se souvenait l’avoir mis dans le médaillon. Lui aussi était perdu… Ses doigts se crispèrent sur les draps. Ces monstres l’avaient dépouillé de tout ce qu’il possédait…
Il secoua la tête. Il avait le sentiment que quelque chose clochait dans ce qu’Erika venait de dire, il en était certain, mais quoi ? Soudain, la jeune fille bondit sur lui et lui plaqua les épaules contre le dos du lit, lui arrachant une grimace de douleur.
- Arrêtes de te tordre l’esprit ! Maintenant, dodo ! Tu dois te reposer et récupérer toutes les forces que tu as perdues là-bas !
C’était un ordre. Il avait envie d’en savoir plus mais, épuisé, il renonça à la contredire. Erika quitta la pièce d’un pas dansant et, un peu à contrecoeur, il s’enfonça dans ses oreillers.
Avant de s’assoupir, il resta quelques minutes immobile, fixant le plafond. Il ressentait encore la douleur dans sa chair, au creux de son âme. Bien que plus ou moins intact dans son corps et dans sa tête, il se sentait mutilé, privé d’une part de lui-même qu’il ne récupérerait jamais. C’était à cause d’eux, ces monstres aux dessins secrets qui avaient joué avec lui. Ils l’avaient dépossédé de son enveloppe charnelle qui lui paraissait maintenant si faible et fatiguée en comparaison avec son inépuisable énergie d’autrefois. Lorsqu’il s’endormit enfin, ses rêves ne furent que d’obscurs souvenirs de sa captivité.

Suite et fin du chapitre 2.
J'ai essayé de bien rédiger la scène mais je ne suis pas habituée à écrire ce genre de situation.

Un tube dans la gorge. Une lumière aveuglante. Un table d’opération en acier, glacée. Les chevilles et les poignets de Lloyd étaient entravés par de solides attaches de cuir renforcé. Sous la fine tunique blanche qu’il portait, il était entièrement nu. Le tube le gênait, il l’empêchait de parler et il n’arrivait pas à s’habituer à cette présence désagréable dans son oesophage. Le garçon grimaça à cause du coup que les gardes lui avaient porté à la tête pour pouvoir le transporter, inconscient, jusqu’à la salle d’opération. Il testa les attaches : impossible de s’échapper. Comme toujours, ils étaient très prudents. Hors de son champ de vision, plusieurs personnes s’afféraient. Des cliquetis de métal, des murmures, des bruits de pas sur le carrelage.
- Bien, nous commençons ? Demanda une voix féminine.
- Allons-y, répond une voix calme et masculine.
Lloyd sentit une présence et d’un coup, un énorme visage apparut au-dessus de lui. La monstrueuse face grimaça.
- Pfiou… Siffla-t-il. Si tu savais ce qu’ils vont te faire, bâtard.
- Retourne de l’autre côté, ordonna la jeune femme.
Le sombre géant disparu et le garçon pu voir ceux qui se préparaient autour de lui. Ils étaient habillés de blouses blanches et des masques cachaient le bas de leur visage. Il n’aimait pas ça. Il n’aimait pas le froid, leur regard, leurs chuchotements. Il n’aimait pas non plus ce tube dans sa gorge qui rendait sa respiration asthmatique, sifflante. Celle qu’il pensait être une femme tenait une seringue reliée à un tuyau. Elle prit sa main droite et commença à en frotter le dos, cherchant une veine. Lloyd sentit un léger picotement quand l’aiguille s’enfonça sous sa peau. Rapidement, il commença partir. Deux personnes se passèrent quelque chose au-dessus de lui : un plateau d’argent sur lequel reposaient des pierres rouges. Des pierres rouges… Il réalisa avec effroi que c’étaient des exsphères. Doucement, le liquide injecté dans son sang le fit plongea dans un état comateux, sans pour autant l’endormir, mais le rendant aveugle à cause de ses paupières qui se fermaient.
- C’est bon, nous pouvons commencer.
Malgré sa torpeur, Lloyd frissonna quand sa tunique fut détachée, des épaules jusqu’aux hanches, laissant tout son abdomen à nu. Un cliquetis de métal résonna à sa droite. Des doigts froids se posèrent sur son ventre, puis toute la main. Il eut vaguement conscience qu’on lui faisait une longue coupure. Puis, pendant une minute, il n’entendit presque plus rien, mais son esprit se glaça quand il sentit qu’on écartait les bords de la plaie. Bien qu’il n’en souffrait presque pas, l’opération était une véritable torture. Mais le pire était encore à venir. La coupure fut tenue écartée, sûrement à l’aide de ces pinces qu’il avait déjà vues auparavant. Lloyd toussota : ses sensations revenaient déjà. Et c’est avec un gémissement qu’il accueillit les doigts qui se glissaient lentement dans ses entrailles. Puis l’inquisition s’arrêta quelques secondes.
- Euh… Ici, il m’en faudrait… Dit un homme d’une voix mal assurée.
Un nouveau cliquetis métallique. Une autre main plongea dans sa chair et lui arracha un haut-le-cœur.
- Ernylste ? Demanda la femme.
- Maintenant… Confirma Ernylste de sa voix tremblante.
Soudain, une brûlure fulgurante déchira le voile de sa quasi-inconscience et Lloyd poussa un gémissement plus fort que les autres. Il ouvrit les yeux et se mit à s’agiter violemment dans ses liens, tirant, tentant vainement de se libérer. Non, il ne voulait pas rester là, c’était un cauchemar, que quelqu’un le réveille !
- Ses défenses... Elles… Elles sont plus puissantes que celles des autres ! Paniqua Ernylste.
- Vite, envoie-lui au moins trois autres doses ! Cria un homme.
- Non ! Rétorqua la jeune femme. La première étape s’est bien déroulée, il nous suffit de le refermer, nous nous occuperons de lui après les autres.
- S’il meurt entre nos doigts… ! Nous n’aurons pas de deuxième chance !
Tant bien que mal, Lloyd recracha le tube qu’ils avaient mis dans sa gorge.
- Ordures ! Hurla-t-il de rage et de douleur.
Mais les gens en blanc le neutralisèrent rapidement. L’un tint sa tête pour permettre au deuxième de remettre le tube en place alors que le troisième était hors de son champ de vision.
- Non ! Lâchez-moi !
Un de ceux qui s’occupaient du tube empoigna brutalement ses mâchoires et les écarta au maximum. Lloyd força pour le faire lâcher mais un sanglot lui échappa quand il un craquement sec se fit entendre. L’articulation de sa mâchoire inférieure avait cédé et le goût du sang se répandait dans sa bouche grande ouverte. Incontrôlables, des larmes vinrent perler aux coins de ses yeux et coulèrent sur ses joues. La deuxième personne poussa sans ménagement le tuyau au fond de sa gorge offerte. Lloyd hoqueta, sanglota à nouveau. Quand cela s’arrêterait-il ?
L’accident semblait avoir calmé les esprits. Les gens en blouse blanche le lâchèrent prudemment mais le garçon restait de toute façon immobile, il n’avait plus la force de se battre.
- Nous pouvons continuer, nous soignerons ça plus tard, dit calmement la jeune femme.
- Ernylste ? Prend l’autre, il faut le garder inconscient cette fois, poursuivit l’autre homme.
Lloyd sentit quelqu’un tâter le dos de sa main droite et une autre aiguille s’y enfonça. En quelques secondes, il perdit connaissance.

Cela faisait plusieurs heures qu’ils marchaient. Ayant établi le plan de prendre le même chemin que Lloyd avait les plus grandes chances d’avoir suivit, un petit groupe constitué de Colette, Raine, Génis, Régal, Sheena, Kratos et Yuan, qui les accompagnait pour la première fois, était parti d’Isélia tôt le matin et s’était dirigé vers l’est pour passer sur l’autre grande île de Sylvarant par un vieux pont de bois. Ils étaient à mi-chemin de ce dernier quand Kratos avait annoncé qu’ils camperaient après la traversée et qu’ils arriveraient à Hima le lendemain, dans l’après-midi, après quoi il était retombé dans son mutisme habituel. Génis le questionna avec avidité sur ses calculs mais abandonna rapidement face à l’Ange, toujours aussi taciturne, et retourna vers ses compagnons en grommelant.
- Salut Sheena ! Dit joyeusement le petit mage à la jeune femme. Zélos ne te manque pas trop ?
- Quoi ?! Ne me dis pas que cet empoté va venir !
- Non, t’inquiète, rit le garçon en la voyant s’empourprer.
- Dis, commença Sheena, inhabituellement sérieuse. Comment Kratos a-t-il fait pour revenir ?
Le Demi Elfe vérifia qu’ils étaient à l’abri des oreilles indiscrètes. Heureusement, les autres bavardaient bénignement quelques mètres derrière eux, sauf Kratos qui restait encore plus loin à l’arrière contrairement à son comparse qui s’était joint à la conversation. Quoique assez silencieux, Yuan avait l’air à l’aise dans le groupe.
- Je ne peux qu’émettre des hypothèses, soupira le petit mage en se tournant vers la jeune femme.
- Tu penses au téléporteur de Welgaia ?
- Entre autres, mais le lien de Derris Kharlan avec notre planète a été coupé.
- Les Renégats on peut-être trouvé un autre moyen, proposa Sheena.
- C’est sûrement ça…
- Mais ? Compléta-t-elle à sa place.
- Mais le plus logique, facile et rapide aurait été d’utiliser l’Epée Eternelle.
- C’est Lloyd qui l’avait, Kratos ne serait pas revenu s’il n’avait pas disparu.
Génis perçu de l’incertitude dans sa voix. Ils s’arrêtèrent.
- Enfin, je pense… Dit la jeune femme, hésitante.
Les deux compagnons jetèrent un regard en biais au mercenaire qui le leur rendit, glacé. Ils se remirent à marcher, soudainement raides.
- C’est vrai qu’il na jamais vraiment montré de preuves d’affection envers Lloyd, risqua le garçon.
- Mais pourquoi serait-il revenu alors ? Demanda Sheena.
- La voilà la bonne question, enchaîna le Demi Elfe entre ses dents. Mais avant de se la poser, tu penses pas qu’on devrait d’abord essayer de retrouver notre vieux copain ?
La jeune femme acquiesça. Ils ne dirent plus rien jusqu’à l’endroit du campement, craignant la réaction du mercenaire qui les avait peut-être entendus de ses oreilles d’Ange.

Kratos poussa un énorme soupir qui lui fit mal au cœur tant sa poitrine était tenaillée de partout. Les deux jeunes avaient raison, il n’avait jamais vraiment montré l’amour qu’il portait à son fils, peut-être aurait-il dû avant de le perdre une nouvelle fois. Mais s’il n’avait rien fait, c’était pour ne pas que Lloyd s’attache trop à lui, pour que leurs adieux soient moins difficiles.
Il se sentait plus misérable que jamais. En plus d’avoir été un bourreau de l’humanité, un traître, l’assassin de son épouse, de la mère de son fils, de l’avoir perdu, de n’avoir su le protéger, voilà qu’il lui avait encore glissé entre les doigts alors qu’il le pensait hors de tout danger…
Déglutissant avec difficulté, il plissa ses yeux fatigués, éblouis par le soleil qui venait de poindre entre le feuillage des arbres, se reflétant sur sa peau de porcelaine. Il fixa ses mains, si pâles que des veines bleues apparaissaient sous son fin épiderme. Yuan lui avait pourtant ordonné de ne pas se laisser mourir, il n’avait pas le droit de tomber avant de savoir ce qu’il était arrivé à Lloyd. Mais il ne savait pas s’il tiendrait encore longtemps…

- Mh ! Quel régal !
Les compagnons éclatèrent de rire, jusqu’à Yuan qui leva les yeux au ciel avec un petit sourire en coin. Kratos les observait silencieusement depuis le haut d’un rocher et avait le visage fermé. Régal défit son tablier.
- Euh… Merci, Sheena… Dit-il, presque timidement.
Ses poignets portaient encore la marque des fers mais il semblait plus léger et plus heureux, le douloureux souvenir de la mort de son aimée était toujours présent, mais petit à petit remplacé par ce court temps de bonheur qu’ils avaient vécus ensemble, lui et Alicia. Au fond de son être, une étincelle, encore minuscule, brillait pour lui rappeler que la vie continuait.
Après avoir englouti le gargantuesque repas préparé par les soins de leur homme d’affaires préféré, ils commencèrent à s’installer bien confortablement, une main posée sur leur estomac rassasié.
- Maintenant que tu as les mains libres, j’espère que ce sera comme ça pour le reste du voyage ! S’exclama Sheena en soupirant d’aise.
- Hé ! Et moi ? Fit brusquement Génis.
- Oh oui…
- Je me demande ce que font Préséa et Zélos, dit Colette.
- Préséa pourrait venir avec nous et Zélos… Commença Raine.
- Non ! N’y pensez même pas !
Alors, ils se tournèrent tous vers Yuan, assis en tailleur sur le sol avec eux, qui venait de se racler la gorge.
- Oui ? Fit Sheena, l’invitant à s’exprimer.
- En ce qui concerne l’élu, il a déjà été prévenu et nous rejoindra sûrement d’ici une semaine.
Un silence lourd de sens s’installa. Les yeux de Colette, Régal, Raine et Génis faisaient la navette entre la jeune femme et l’Ange. Sheena tiqua.
- Comment… Dit-elle, interloquée. Mais… mais pourquoi t’as fait ça ?!
Elle agrippa Yuan par le col et se mit à le secouer de désespoir.
- Qui t’as dit qu’on voulait le voir ?!
L’Ange lui prit le poignet pour l’empêcher de le secouer davantage.
- Un personne de plus pourrait nous aider, lui expliqua-t-il dans un sourire.
- Mais je ne veux pas le voir !
- Pauvre petite gamine…
- Pauvre vieux croûton !
Les autres réussirent presque à ne pas pouffer de rire, mais c’était peine perdue. Yuan et Sheena se regardaient toujours dans les yeux. L’ange lâcha son poignet en douceur.
- Désolée… Fit la jeune femme, rougissant.



Le voile de la nuit avait depuis longtemps enveloppé les mortels quand Kratos bondit de son rocher et atterrit silencieusement entre eux. Il se tourna vers Yuan qui se levait et le fixa de son regard dur.
- Es-tu prêt ? Demanda-t-il au mercenaire.
- Oui.
- C’est par ici.
Ils se dirigèrent vers une forêt non loin de là et disparurent entre ses troncs. Pendant quelques minutes, ils ne furent que deux ombres parmi d’autres, mais enfin, le paysage changea. De nombreux arbres étaient couchés, déracinés ou semblaient même avoir explosé. Des morceaux d’écorce parsemaient le sol où se dessinaient des cratères et des fossés. Quand yuan avait vu l’endroit pour la première fois, il avait pensé à une arène. Mais celle-ci, d’un diamètre d’une cinquantaine de mètres, n’était pas délimitée par des gradins mais par des bois et, tout au bout, par une falaise contre laquelle se déchaînait l’océan en furie.
Kratos tourna son visage vers l’horizon, l’expression indéchiffrable. Yuan dirigea son regard dans la même direction et dit :
- Ca a été violent.
- Mh…
- Je dirais que ça dois faire six mois ou plus, environ.
- …
- Kratos…
- …
- Je suppose, soupira l’Ange aux cheveux bleus, que tu comptes partir seul à leur recherche.
Kratos le fixa intensément de ses yeux écarlates. Yuan se souvint qu’autrefois il avait ardemment désiré sa souffrance, que cet humain payât pour ses crimes et ceux de ses semblables. Mais aujourd’hui, il savait que le prix qu’il avait payé était démesuré. Comment aurait-il pu se réjouir d’une telle douleur infligée à lui, son frère d’armes, alors que lui-même la connaissait si bien ? Kratos était dévasté et le mince espoir de le revoir heureux un jour s’était malheureusement envolé aussi vite qu’il était apparu.
- Partons d’ici, dit Yuan.
- Attends… Comment était-ce… Quand vous êtes arrivés ici, après le combat, et qui vous a avertis ?
- A Hima, on a tout vu de loin, j’avais des hommes dans le village qui ont donné l’alerte.
- …
- Quand nous sommes arrivés ici pour la première fois, soupira le Demi Elfe, il y avait beaucoup de cadavres, des Demi Elfes et des Anges qui portaient encore les habits et l’emblème du Cruxis.
- Tsss…
- Il y avait plus de survivants qu’on ne le pensait…
Kratos lui lança un regard haineux qu’il ne digéra pas.
- Tu aurais dû rester, déclara-t-il un cran plus haut.
- Pourquoi ? Je n’ai rien à faire parmi les vivants…
- Et ton fils ?
- …
- Tu l’as volontairement abandonné ! S’emporta Yuan. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même, si tu étais resté, tu aurais pu le protéger et nous aider à les arrêter !
Il eut une expression dégoûtée et poursuivit.
- La première fois que je t’ai vu, tu étais déjà ainsi. Toi et ta maudite fierté…
- Tu peux me dénigrer autant qu’il te plaira mais n’oublie pas que nous ne sommes pas si différents, répliqua sèchement Kratos.
Le mercenaire lui tourna alors le dos et ajouta d’un ton atone :
- J’ai besoin d’être seul.
Yuan ne se fit pas prier, il disparu d’un pas rapide et se dirigea vers le camp, pestant sur la patience et la compassion dont il avait vainement fait preuve.

Au détour d’une montagne, le village perché de Hima apparut.
- Ouais, enfin ! S’exclama Génis.
- Yep, dépêchons-nous, dit calmement Colette, heureusement que ce n’est pas très grand, nous récolteront rapidement des informations.
- Peut-être même que Lloyd n’est pas très loin, ajouta le jeune Demi Elfe avant de se tourner vers Kratos. Et je suis sûr qu’il sera fou de joie de te voir ici !
Génis sourit candidement et ils s’en allèrent vers Hima. Kratos, qui marchait en arrière, s’arrêta. Serrant les dents et les poings, le cœur en lambeaux plus que jamais, le nom de son fils sortit faiblement d’entre ses lèvres tremblantes. « Lloyd… » Soudain, il fit volte-face et parti à toute allure vers l’arène maudite.
Pendant ce temps, au village des héros, un groupe de compagnons questionnait chaque habitant, chaque voyageur. « Avez-vous vu un garçon avec une veste rouge ? » Demandaient-ils. Depuis le sommet de la montagne, un homme aux longs cheveux bleus qui les observait se détourna et offrit son visage à la caresse du vent.

Génis soupira en s’affalant sur sa chaise : ils étaient tous revenus bredouille.
- Tiens, où est Kratos ? Demanda-t-il soudain en cherchant le mercenaire du regard.
- Il doit sûrement chercher ailleurs, dit simplement le seul Ange qu’il leur restait.
Le jeune Demi Elfe se renfrogna. Sa discussion de la veille avec Sheena avait éveillé ses soupçons et le fait de voir disparaître ainsi le père de leur ami ne faisait que les renforcer.
- Y avait-il un point de rendez-vous avec Lloyd ? Demanda la sœur aînée.
- Oui, Luin.
- Peut-être n’est-il pas passé par ici, proposa Colette.
- Quand on est seul, le voyage est toujours plus rapide, confirma la chef de Mizuho.
Yuan haussa les épaules.
- Très bien, allons à Luin.
Son détachement finit d’achever les compagnons, déjà épuisés par leur journée de recherche.
- On va se coucher, dit Raine alors que elle et Colette se levaient pour aller dans leur chambre.
L’élue s’était démenée pour trouver ne serait-ce qu’un minuscule indice sur Lloyd et sa mine dépitée faisait peine à voir.
Les autres s’enfoncèrent un peu plus dans leurs sièges, prenant racine en silence. La salle commune de l’auberge était presque vide, il faisait tard. Génis bâilla à s’en fendre l’âme mais ferma aussitôt la bouche. La porte de la pièce s’ouvrir : Kratos. Ils fixèrent le mercenaire qui s’avançait vers leur table. Fermant à demi les paupières, Régal nota qu’il avait les cheveux mouillés. Il s’arrêta devant eux, le visage toujours aussi dur, regardant Yuan droit dans les yeux. Le mercenaire alla dans sa chambre sans dire un mot. Ils s’interrogèrent du regard.

Le voyage vers Luin se passa calmement, seuls Sheena, Yuan et Régal avaient longuement devisé à propose de la royauté de Tesséha’lla, les autres marchant silencieusement, perdus dans leurs pensées. Ils ne se firent pas attaquer, leur nombre suffisant à dissuader les créatures les plus audacieuses. Mais quand le douzième ours de la journée les évita soigneusement, le jeune mage se glissa entre Sheena et Yuan pour questionner ce dernier.
- Dis, toi et les Renégats, vous ne devriez pas vous occuper des monstres qui traînent un peu partout ?
- Non.
- Quoi ?! S’exclama Génis, interloqué.
- Non, répéta l’Ange, un brin amusé.
- Mais… Pourquoi ?
- Eh bien, c’est très simple. S’il n’y a plus aucun danger, les gens deviendront de plus en plus fainéants et oublieront les valeurs que les épreuves leur ont apprises, expliqua Yuan.
- Mais s’ils se font attaquer ?
- Ils se défendront.
- Et s’ils ne sont pas armés ?!
- Ils courront, répondit le chef des Renégats du tac au tac.
- Mais c’est… inhumain !
- Possible…
Le Demi Elfe aux cheveux bleus ne put retenir un sourire devant le visage déconfit du jeune garçon.

Après cette longue marche à peine ponctuée de quelques mots, ils arrivèrent enfin à Luin. La ville était resplendissante. Grâce à l’arrivée des habitants de Palmacosta, ce qui n’était autrefois qu’une bourgade vulnérable s’était rapidement transformé en la nouvelle capitale de Sylvarant, grouillant d’activité de toutes sortes. Mais quand ils entrèrent, non sans passez sous le regard suspicieux des gardes, tout leur parut plutôt calme. Ce n’était ni un jour de marché, ni un jour de fête et tout un chacun vaquait tranquillement à ses occupations.
Ils se dirigèrent vers la place et s’y arrêtèrent.
- Nous ferrions mieux de nous séparer pour questionner plus rapidement les habitants, conseilla Raine.
- Ca me va ! Lança son frère cadet.
- Moi aussi, dit l’élue.
Les autres approuvèrent et ils se séparèrent en duos : Génis et Colette, Raine et Régal, et Yuan et Sheena. Kratos, quant à lui, partit de son côté sans rien ajouter.

Quelques heures plus tard, les compagnons s’étaient rassemblés dans un jardin près de la statue de Sheena, à cette heure-là abrité du soleil par l’ombre de l’auberge. Colette et Génis s’assirent sur un banc. Seul Kratos manquait encore à l’appel.
- Alors ? S’enquit l’autre Ange.
Tous s’interrogèrent du regard, laissant planer un silence dérangeant.
- Génial… Soupira le petit Demi Elfe. A croire que c’est un fantôme…
- J’espère que non ! S’empressa de corriger l’invocatrice.
Le jeune mage se ratatina à vue d’œil.
- Et maintenant ? Que fait-on ? Demanda son aînée.
Aucune réponse ne vint et la magicienne laissa à son tour échapper un soupir avant de poursuivre.
- Si personne ne l’a vu ni ici, ni à Hima, ça voudrait dire qu’il est passé par l’autre côté ! Ou alors que quelque chose ou quelqu’un l’a empêché d’aller plus loin dés son départ d’Isélia. Nous n’avons aucune piste.
- Mais il doit bien être quelque part ! Insista Colette, les yeux brillants.
La Demi Elfe croisa le regard inquiet de la jeune fille et s’en voulu aussitôt d’avoir parlé sans réfléchir. Depuis qu’ils avaient quitté Hima bredouilles, la jeune fille se murait petit à petit dans sa bulle de tristesse, frôlant le mutisme qu’elle avait connu autrefois.
- On rentre à Isélia alors ? Demanda son ami d’une petite voix.
- Allons d’abord jusqu’à Asgard, non ? Proposa Régal. De toute façon, qu’il soit passé par ce côté ou l’autre, il a pu faire beaucoup de chemin en un an.
- Très bien, conclut Yuan avec son désintéressement habituel. Je vais réserver des chambres à l’auberge, si vous voyez Kratos, prévenez-le.

Non loin de là, le mercenaire se tenait devant la grande fontaine, les yeux dans le vague. C’était une journée agréable, ni trop chaude, ni trop froide. Quelques personnes traversaient la petite place, jetant un coup d’œil à la statue de Lloyd qui les toisait d’un air agressif qui ne lui ressemblait pas. Heureusement, les clapotis de l’eau ne permettaient pas au silence de le renvoyer à des souvenirs douloureux, c’était un baume sur ses vieilles cicatrices. Une brise chargée des effluves du port secoua presque amicalement ses cheveux. Kratos releva la tête et y puisa un air qui lui était familier.
Une main toucha son bras.
- Lloyd ? Demanda timidement une voix féminine.
Le Séraphin se retourna et se trouva face à une jeune femme qui ne devait pas avoir vingt ans. Une longue chevelure brune et ondulée tombait le long de son dos, encadrant un visage doux aux prunelles noisette. Elle portait une robe bleu sombre et un panier d’osier était déposé à ses pieds. Pendant une fraction de seconde, une image d’Anna remplaça la réalité.
La jeune femme se mit une main sur la bouche, s’empourprant soudainement.
- Excusez-moi ! Je vous ai confondu avec quelqu’un d’autre !
Elle se baissa pour prendre son panier mais Kratos la retint.
- Quel est votre nom ?
- Je… je m’appelle Jellyn.
- Vous connaissez Lloyd… Irving ?
Jellyn parut embarrassée et se mordit la lèvre inférieure. Elle baissa les yeux quelques secondes avant de lui répondre.
- Oui, mais, ici, nous le connaissons plus sous le nom d’Aurion…
Kratos crut voir ses yeux briller un peu trop. De son regard insistant, il la pressa de continuer.
- C’est… Lloyd est mon fiancé, lâcha enfin la jeune femme.
Etrangement, cela n’étonna même pas le Séraphin. Jellyn ressemblait tellement à Anna… Il posa une main sur son épaule tremblante.
- Un groupe de personnes le cherche partout, comment se fait-il que nul ne nous ait signalé quelque chose ?
Il décrivit rapidement Lloyd mais Jellyn secoua la tête.
- Non, il ne ressemble pas vraiment à ça. Il est assez grand, presque aussi grand que vous. D’ailleurs… pardonnez-moi mais… faites-vous partie de sa famille ? Il vous ressemble tellement…
Lloyd lui ressemblait ? A travers l’inquiétude qui le tenaillait, un autre sentiment apparut. De la… joie ? Son répit fut de courte durée car la familière vague de froideur emporta le mince rayon de lumière qui venait de transpercer l’obscurité de son esprit. L’Ange respira profondément.
- Je suis son père.
Le visage de la jeune femme s’illumina.
- Alors vous devez être Kratos ! Il m’a tant parlé de vous !
S’il n’était pas si habitué à rester de marbre, le mercenaire en aurait écarquillé les yeux, interloqué.
- Que s’est-il passé ? S’enquit-il auprès de Jellyn.
La jeune femme reprit un air peiné.
- Il était poursuivit par une sorte d’organisation d’anciens Désians.
- Continuez.
- Il ne la mentionnait pas souvent, mais quand il le faisait, il parlait du Consortium de Kharlan.